« C’est un peu le bordel ! » Un étrange bal s’est déroulé, mardi 8 septembre, au Château-d’Oléron (Charente-Maritime) : le temps d’une matinée, le Tour de France n’a plus répondu. Comme dans une bulle. « On nous laisse tout seul, à gérer une situation qui nous dépasse », déplorait l’attaché de presse d’une équipe en lice.
L’île d’Oleron est devenue, l’espace de quelques heures, l’épicentre d’une drôle de pièce à huis clos, alors que la caravane du Tour entamait son ballet sur les routes, en amont de la dixième étape reliant l’île de lumière à celle de Ré.
Mardi, la Grande Boucle a été – temporairement – décapitée, après le résultat positif au coronavirus du test de son directeur, Christian Prudhomme, chef d’orchestre forcé de se mettre sur la touche. Cinq autres personnes (notamment quatre membres du staff de quatre équipes) ont subi le même sort. Mais l’ensemble du peloton a pour sa part esquivé le couperet.
En cette année plombée par le coronavirus, le Tour a pris son départ de Nice fin août en multipliant les précautions. Ayant dû montrer patte blanche – deux tests PCR négatifs – pour entrer dans la bulle sanitaire mise en place, les trente membres de chaque équipe (dont les huit coureurs) se sont à nouveau présentés au laboratoire mobile lors de la journée de repos, lundi à La Rochelle – certains ayant devancé l’appel, la veille à Pau.
Quelque 841 tests ont été effectués. Leurs résultats devaient être communiqués mardi de bon matin, en amont du départ de l’étape, conjointement par l’Union cycliste internationale (UCI) et Amaury Sport Organisation (ASO), l’organisateur de l’épreuve.
Mais le Tour a dû patienter. Longtemps. Plus l’attente se prolongeait, plus les interrogations s’accumulaient : certains coureurs étaient-ils positifs ? Des équipes allaient-elles être exclues en vertu du nouveau règlement sanitaire fixant le seuil à deux personnes d’une équipe positives ?
Pas de communication officielle pendant plusieurs heures
Pour plusieurs formations, l’expectative avait plus d’enjeux que les autres. « Ce matin, on a eu un gros ouf de soulagement quand notre médecin a envoyé un message rassurant sur le groupe WhatsApp de l’équipe », ne cache pas Julien Jurdie, directeur sportif d’AG2R-La Mondiale, l’une des quatre formations à avoir un membre de la « bulle équipe » positif (avec Cofidis, Ineos Grenadiers et Mitchelton-Scott).
« Tributaires de cette loterie, hier, on se disait : “On est en train de faire un grand Tour, si demain il faut plier bagage, ce serait dommage”. Heureusement, la pièce est tombée du bon côté, il n’y a pas eu de second positif », se félicitait finalement Julien Jurdie.
En l’absence de communication officielle de la part d’ASO pendant plusieurs heures, une étrange cacophonie silencieuse s’est toutefois instaurée. Respectant le silence radio imposé par les organisateurs, les équipes ont envoyé des bouteilles à la mer – sous forme de tweets plus ou moins cryptiques –, annonçant leur passage en deuxième semaine.
Finalement, la nouvelle est tombée, en fin de matinée par l’intermédiaire de L’Equipe, le quotidien sportif qui appartient à ASO : « Aucun coureur n’a été testé positif au Covid-19 ni considéré comme cas contact nécessitant une mise en quarantaine. »
En bordure des stalles dans lesquelles sont parqués les journalistes accrédités – huis clos oblige –, astreints à héler les coureurs à leur approche de la ligne de départ en gardant leur distance et espérant que la pêche soit bonne, tout le monde a découvert la nouvelle en même temps. Y compris certains membres de l’organisation, dépités d’avoir été prévenus par voie de presse.
Le premier ministre, cas contact
« Il n’y a pas que les coureurs » qui étaient les seuls explicitement mentionnés dans l’article publié par l’Equipe, susurrait un membre de cette ruche ambulante qu’est le Tour. Si rien n’a encore été envoyé, c’est qu’il y a des cas positifs dans l’organisation. »
Il ne se trompait pas. Et c’est celui qui incarne l’épreuve, son directeur Christian Prudhomme, qui a été touché. Là encore, l’annonce s’est faite par une voix extérieure, celle de l’Agence France-Presse (AFP).
A l’inverse de son bras droit, Thierry Gouvenou, directeur de la course, Christian Prudhomme avait pris la décision de ne pas faire partie de la « bulle course » depuis le départ du Tour, donc d’éviter tout contact avec les coureurs et les équipes.
Le patron du Tour, asymptomatique, s’en est félicité mardi, interrogé par Franceinfo. « Je rencontre beaucoup plus de gens que les coureurs qui sont des moines soldats. Des élus, des partenaires, des gens viennent vers moi… Et manifestement, même avec le port du masque permanent dans la voiture ou pour chaque sortie, cela n’a pas suffi. »
Samedi 5 septembre, c’est le premier ministre, Jean Castex, que Christian Prudhomme, en vertu de sa non-appartenance à la « bulle course », avait pu accueillir dans son véhicule pendant deux heures durant l’étape pyrénéenne Cazères-sur-Garonne et Loudenvielle – les images des deux hommes, masqués, avaient été abondamment relayées.
Après l’annonce de la positivité du directeur du Tour, Jean Castex s’est fait tester mardi : il est négatif. Il refera un test samedi 12 septembre, ont précisé les services de Matignon.
Pas de mesures particulières pour les équipes ayant un cas positif
Les quatre équipes ayant un membre de leur staff testé positif ont pour leur part dû écarter de la course les intéressés. Mais ces formations, qui ont pu prendre le départ mardi, ne seront pas particulièrement scrutées dans les heures et jours qui viennent.
D’ici à la prochaine journée de repos, lundi 14 septembre, leurs coureurs et leurs staffs ne seront testés à nouveau qu’en cas de symptômes apparents. Il est vrai que, si un autre membre de l’équipe venait à être testé positif dans un intervalle de sept jours suivant le premier cas, c’est l’exclusion de la course qui serait prononcée.
Au total, six personnes – quatre membres d’équipes, un prestataire technique, et le directeur de l’épreuve – ont donc quitté le Tour de France lundi. Christian Prudhomme n’aura pas assisté à la « véritable échappée maritime, marquée par les édifices Vauban de Royan, Rochefort ou La Rochelle », telle qu’il présentait l’étape, remportée sur l’île de Ré au sprint par Sam Bennett (Deceuninck-Quick Step).
Pas depuis sa voiture numéro 1 ouvrant la course, tout du moins, mais « en télétravail, comme des milliers de Français ». Mis à l’écart jusqu’au départ de la 15e étape à La-Tour-du-Pin, mardi 15 septembre, le grand patron a été remplacé par François Lemarchand, responsable sportif chez ASO. Immense barnum roulant de villes en villes, le spectacle doit continuer.
September 08, 2020 at 07:24AM
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Le Covid-19 fait toussoter le Tour de France - Le Monde
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