« Sur le papier, cette étape me plaît beaucoup. » Sur le goudron, aussi, visiblement. Julian Alaphilippe avait annoncé la couleur, dimanche 30 août, au moment de prendre le départ de la deuxième étape du Tour de France 2020 : « On a un plan, j’espère que ça va marcher. »
Au vu du maillot jaune que le Français a endossé quelques heures plus tard, la manigance a fonctionné. Vainqueur d’un sprint à trois sur la promenade des Anglais, quelques dizaines de mètres devant le gros de la troupe, Alaphilippe retrouve « son » maillot jaune au terme d’une étape à travers l’arrière-pays niçois. Son plan était simple : « J’ai couru comme sur une classique ! »
Ces courses d’un jour, son équipe, la Deceuninck-Quick Step, en est la spécialiste. Mais jusque-là, leur chef de file n’avait pas encore levé les bras cette saison. « Comme beaucoup de coureurs », rétorquait-il à raison lors d’une visioconférence de presse d’avant-Tour. Jamais loin, battu de justesse au sprint – sur Milan-San Remo par le Belge Wout Van Aert ou lors des championnats de France par Arnaud Démare – ou parfois perturbé par un enchaînement d’incidents techniques. « Concrétiser me fait du bien, a soufflé le Français, c’est une année particulière, et la victoire me manquait beaucoup. »
Pour de nombreuses raisons. Une fois la ligne franchie – en prenant le meilleur sur Marc Hirschi (Sunweb) et Adam Yates (Mitchelton-Scott), les seuls capables de suivre son attaque –, Julian Alaphilippe a fondu en larmes, après avoir désigné le ciel du doigt. « Je voulais juste dédier cette victoire à mon papa, ça me tenait à cœur de gagner. » Le musicien Jacques « Jo » Alaphilippe, mort fin juin, aurait apprécié la partition parfaite déroulée par son rejeton.
Mis en orbite par sa meute
Un an après avoir emballé l’édition 2019, conservant le maillot jaune quatorze jours durant, « Loulou » Alaphilippe a remis le couvert. Les lieux du forfait ont changé – la Côte d’Azur a remplacé la Champagne (Epernay) –, pas la méthode.
Expert ès dynamitage de peloton, le coureur français a profité du travail de son équipe. Après avoir sonné les coureurs marqués par une étape ayant franchi 1 500 m d’altitude à deux reprises (les cols de la Colmiane et de Turini) – chose inédite pour un deuxième jour du Tour –, ils ont enfoncé le clou, dans l’ultime bosse, le col des Quatre-Chemins.
Alaphilippe a attaqué sur son terrain de jeu favori, quand la route s’élève et que la ligne d’arrivée se rapproche, propice aux efforts soudains et tranchants qu’il affectionne. Il a surpris ceux qui pourtant l’attendaient, et le reste est son histoire. « Il a jailli si vite, et les deux autres se sont montrés aussi explosifs que lui, c’était impossible de les suivre », n’a pu que constater le leader de la Trek-Segafredo, le Néerlandais Bauke Mollema.
Ecarté du final une fois son devoir accompli, après avoir dicté l’allure dans les dernières ascensions, avant de laisser s’envoler son leader, le Belge Dries Devenyns n’a pas dissimulé sa joie. « Je me suis arrêté sur le bord de la route pour regarder la victoire de Julian sur le téléphone d’un spectateur, j’ai crié ! », a confié le fidèle équipier d’Alaphilippe après la course. Un hurlement récompensant un plan sans accroc.
« Tout le monde le voyait gagner et surtout de cette manière. Et malgré cela, il a tenu le plan fixé. C’est très costaud ce qu’il arrive encore à faire malgré cela. Il m’étonne toujours », s’est émerveillé son directeur sportif, Patrick Lefevere, dans un entretien au Parisien.
« Le maillot jaune se défend et se respecte »
A cinq kilomètres de l’arrivée, débaroulant vers Nice en avalant les virages avec Yates et Hirschi, le Français comptait vingt secondes d’avance. « J’ai couru comme si l’arrivée était en haut. Je n’avais rien à perdre, il a fallu puiser au fond de moi, Je voulais que ça tienne bon jusqu’à la flamme rouge », confirme le vainqueur.
Julian Alaphilippe décroche dans la cité azuréenne sa cinquième victoire sur le Tour, un an après son succès lors du contre-la-montre de Pau. Thibaut Pinot ne s’y était pas trompé. « Vu ce que Julian a montré sur San Remo, il sera au moins aussi fort que l’an passé, prédisait le grimpeur de la Groupama-FDJ avant le Tour. Je le vois prendre le maillot jaune dans la première semaine. »
Et il faudra venir lui arracher si l’on en croit le principal intéressé : « Un maillot jaune, ça se défend et ça se respecte. C’est certain que je n’ai pas envie de le rendre demain. » Il l’a prouvé dans les Alpes l’an passé. De là à l’imaginer marcher sur ses propres traces, il n’y a qu’un pas que Patrick Lefevere hésite aussi à franchir. « Je ne suis pas bébête. Il faudra déjà voir comment il arrive à Orcières-Merlette [première arrivée au sommet] mardi soir. Mais l’imaginer porter le maillot quatorze jours comme en 2019 est fou, livre-t-il, Je pense que c’est impossible. En même temps, c’est vrai que Julian m’a habitué à des choses que je pensais impossibles. »
D’ailleurs, Alaphilippe s’affirme débarrassé de toute ambition au classement général : « Le plan ne change pas, je vais tout donner mais il faut rester lucide, insiste-t-il. On n’est pas venus pour gagner le Tour. On va continuer la chasse aux étapes. C’est du bonus maintenant. »
Comme s’il voulait transformer le Tour en une succession de « classiques ». Selon le Larousse, un « classique » littéraire est ainsi défini : « Qui fait autorité, digne d’être imité. » A force, le voir sillonner l’Hexagone revêtu du paletot doré est en train de le devenir.
August 30, 2020 at 09:59AM
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