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« Droopy éruptif » du théâtre et du cinéma français, Jean-Pierre Bacri est mort à l'âge de 69 ans - Le Monde

Jean-Pierre Bacri à Paris, en 2012.

Finalement, il avait raison d’être le mauvais coucheur préféré du public. Râleur, bougon, hypocondriaque, misanthrope, phobique, exaspéré, dépressif et atrabilaire, Jean-Pierre Bacri, sorte de Droopy éruptif, savait sans doute que la vie n’est pas toujours marrante. Surtout vers la fin. La sienne s’est arrêtée précocement, lundi 18 janvier, des suites d’un cancer. Il avait 69 ans.

Reste de lui l’image d’un homme animé d’une vaine mais bienfaisante colère, un personnage pantelant et pathétique, peaufiné au cours d’une soixantaine de films et d’une vingtaine de pièces de théâtre dont il fut, en compagnie de son alter ego Agnès Jaoui, parfois l’auteur et le comédien. Avec elle, il a formé plus qu’un duo, un double. Personne ne dira plus jamais comme lui : « J’en ai plein l’cul. Fais chier ce con ! »

Né le 24 mai 1951 à Castiglione (aujourd’hui Bou Ismail, une ville côtière de la wilaya de Tipaza), en Algérie, au sein d’une famille juive, Jean-Pierre Bacri supporte une jeunesse qu’il résume en trois mots : « contrainte, ennui, attente ». Il se souvient de son père, facteur qui lui disait : « Balayeur ou président de la République, c’est la même chose ! » Il en gardera l’idée que les grands comme les humbles méritent le même respect.

« Aucune raison de sourire »

Il a 11 ans, en 1962, lorsque la famille prend le chemin de la métropole, comme des milliers de « rapatriés d’Algérie » que l’indépendance a obligés de fuir. Elle s’installe à Cannes (Alpes-Maritimes). Des années grises malgré la Grande Bleue. « Je n’étais pas malheureux, mais je rêvais de liberté. » Il caresse l’ambition d’être professeur, mais entre à l’agence locale de la « Soc-Gen » (Société générale). Il doit porter, une cravate, un costume. Et sourire. Une torture pour lui qui, quand il n’a rien à dire « et aucune raison de sourire », fait « la gueule ». « J’en ai eu marre, j’ai décidé que c’était inhumain », racontera-t-il dans une confession au Monde en 2011. Il a sans doute trouvé son style. Il lui reste à trouver un emploi.

C’est à Paris où il « monte » à 23 ans qu’il le trouve. Il entre au cours Simon en 1976 tout en étant placier à l’Olympia pour subvenir à ses besoins. Tradition familiale : le week-end, son père était ouvreur au cinéma de Castiglione, Le Star. « D’un coup, la culture, les textes, la liberté me sont tombés dessus. Paris, c’est l’affaire de ma vie. », dit-il.

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